Ce sont trois chercheurs qui ont décidé d’accorder violons pour démasquer un peu plus un phénomène devenu à la mode : l’islamophobie.
Dans leur ouvrage « La France, tu l’aimes mais tu la quittes » (Seuil), les chercheurs Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin dressent le portrait des jeunes Français de confession musulmane qui font le choix de partir à l’étranger. Cette étude, fruit d’une vaste enquête reposant sur un échantillon quantitatif de plus de 1 000 personnes ainsi que sur 140 entretiens approfondis, met en lumière un phénomène complexe et peu documenté jusqu’à présent.
Les résultats révèlent que ces jeunes Français, pour la plupart hautement diplômés (53 % possédant au moins un bac +5), sont motivés par divers facteurs pour quitter la France. Parmi eux, la discrimination et la stigmatisation liées à leur religion occupent une place centrale. Nombre d’entre eux rapportent des expériences de portes fermées dans leur quête d’emploi ou de logement, ou encore des difficultés à accéder à des postes à haute responsabilité.
Malgré l’ampleur du phénomène, les chercheurs soulignent l’absence de données précises, préférant parler de « milliers de Françaises et de Français » qui choisissent de partir, conscients des limites de la collecte de données sur l’expatriation des personnes musulmanes en France. Cette absence de statistiques précises s’explique en partie par l’inexistence de telles données et par la difficulté à les obtenir, le solde migratoire étant la seule information disponible grâce à l’Insee.
L’enquête met en lumière le fait que le départ à l’étranger offre souvent à ces jeunes des opportunités professionnelles et sociales qu’ils n’auraient pas eues en France. Nombreux sont ceux qui témoignent d’une meilleure reconnaissance de leurs compétences et d’un traitement plus égalitaire dans leur nouveau pays de résidence. Certains évoquent même le sentiment de retrouver un « droit à l’indifférence », leur permettant de se sentir simplement Français sans être réduits à leur origine ou à leur religion.
Problèmes d’identité…
Cependant, le livre souligne également les défis auxquels ces expatriés sont confrontés, notamment dans le monde du travail. Des témoignages rapportent des situations où l’évolution professionnelle est entravée par des préjugés ou des remarques discriminatoires. Certains vont même jusqu’à changer de prénom pour éviter les discriminations, mettant en lumière les difficultés persistantes liées à l’identité et à l’origine.
L’atmosphère de rejet, exacerbée par les attentats de 2015 et d’autres événements ultérieurs, contribue à renforcer le sentiment d’exclusion et de marginalisation chez ces jeunes. Pour beaucoup d’entre eux, le départ à l’étranger est vécu comme un choix irrévocable, certains affirmant qu’ils ne retourneront jamais en France, même en cas de conflit ou de crise.
En résumé, l’enquête met en lumière un phénomène complexe où les jeunes Français musulmans sont confrontés à des défis spécifiques liés à leur religion et à leur identité. Leur départ à l’étranger représente souvent un moyen d’échapper à la discrimination et de saisir de nouvelles opportunités, mais il soulève également des questions sur l’intégration et l’inclusion en France.